« Après le chantier, les Rotondes continueront d’évoluer »

Hello Steph ! Les Rotondes ont connu plusieurs vies et diverses phases de rénovations avant de devenir l’institution culturelle actuelle. Et ça y est, on s’apprête à entamer la dernière étape des travaux ! Comment appréhendes-tu cette grande métamorphose ? 

J’appréhende avec appréhension, si on peut dire ça comme ça ! Après avoir parlé des travaux de manière évasive et théorique depuis qu’on est sur le site des Rotondes, c’est-à-dire pendant près de 8 ans, nous sommes désormais enfin parvenu·e·s à la phase concrète de préparation.

Je ne suis pas spécialement copain avec les pelleteuses et les bétonneuses… mais je serai quand même très content de les voir enfin arriver ! Même si cela va prendre encore un peu de temps, on va maintenant pouvoir aborder les choses de manière plus pragmatique et commencer les travaux de façon tangible. Comme tout chantier, je ressens une certaine appréhension, mais aussi, et avant tout, une certaine excitation et un premier soulagement de passer aux choses sérieuses. 

Peux-tu nous expliquer quels sont les principaux objectifs de ces travaux ?

Ces travaux ne seront pas effectués dans un but purement esthétique, mais plutôt pour avoir un instrument qui permettra de servir un objectif précis : proposer une programmation en accord avec nos missions culturelles et avec les attentes du public.

Le chantier offre également la possibilité de repenser la programmation et de laisser place à de nouvelles réflexions. Celles-ci devront évidemment prendre en compte l’évolution des demandes et des besoins en culture du public, mais également se faire en relation avec un paysage culturel qui est, lui aussi, en évolution.

Nous allons mener ces réflexions en interne, avec toute l’équipe et avec un plan d’action qui évoluera en parallèle du chantier et qui l’accompagnera jusqu’au bout. 

Actuellement, nous devons régulièrement nous adapter à des contraintes liées au lieu existant, avec ses possibilités, mais aussi ses limites. Les travaux vont donc faire naître de nouvelles opportunités pour la programmation. Depuis notre retour sur le site des Rotondes en 2015, nous avons pu constater au quotidien ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et ce qui peut être amélioré. Ces observations constituent désormais la base de nos réflexions et de notre plan d’action pour le futur.

Dans cette perspective, l’aménagement de la Rotonde 2 va ouvrir un champ de possibilités que nous commençons à percevoir. Nous aurons deux Rotondes complémentaires, complétées par un bâtiment central et par le parvis qui offrira aussi beaucoup de nouvelles opportunités, même si nous serons toujours confrontés à la contrainte de la météo… Mais bon, nous sommes au Luxembourg, c’est un facteur que notre public et nous-mêmes avons l’habitude de prendre en compte…

Dans tous les cas, la programmation prime par rapport à tout, dans l’idéal, c’est elle qui devrait guider le chantier, et non l’inverse.

Et comment ces travaux s’inscrivent-ils dans la vision à long terme des Rotondes ? 

Pendant les phases de travaux, on pourrait se demander : « Est-ce qu’on va simplement reproduire la même programmation, mais avec moins d’événements ? ». Personnellement, je ne pense pas que ce soit la bonne approche. Nous devrons nécessairement nous adapter, tester de nouvelles choses, compte tenu de cette nouvelle configuration qui apportera son lot de contraintes, mais également de nouvelles opportunités.

Une fois les travaux terminés, la question se posera à nouveau : « Allons-nous faire exactement la même chose, mais avec deux fois plus d’événements ? » Là aussi, je ne crois pas que ce soit la bonne réponse. 

Nous aurons plus de possibilités, notamment en termes d’espace. Nous pourrons donc organiser plusieurs événements en simultané en profitant de la complémentarité entre la Rotonde 1 et la Rotonde 2. Actuellement, dans la Rotonde 1 où tout est ouvert, il est difficile de programmer des événements en parallèle. En revanche, dans la Rotonde 2, il sera possible d’organiser plusieurs événements en même temps, grâce à la verticalité du lieu. Et cela change la donne parce que nous ne serons plus constamment en train de nous demander si nous pouvons programmer l’événement Y dans la salle B, compte tenu de la manifestation X dans l’espace A… Une gestion des salles qui a généré durant les 8 dernières années pas mal de frustrations au sein de l’équipe.

Aux Rotondes, nous avons toujours été attiré·e·s par l’aspect expérimental, principalement en raison de notre engagement envers le jeune public. Donc même si nous avons un cadre qui reste assez défini, nous voulons continuellement tenter de nouvelles choses et nous disposons d’un spectre plutôt large et ouvert pour le faire.

Au final, nous n’avons pas vraiment de liste de ce que les Rotondes doivent être ou offrir. Nous ne nous demandons pas : « Est-ce que cela coche bien toutes les cases ? Oui ? Alors c’est bon, on peut y aller ! » Une des lignes directrices est notre côté alternatif, c’est un élément de notre identité que nous avons toujours soigné et que nous essaierons de préserver. Après le chantier, les Rotondes continueront d’évoluer, notamment du côté de la programmation, donc nous resterons en quelque sorte une friche, en chantier permanent. 

Quelques mots sur les grandes nouveautés prévues ?

La Rotonde 2 sera entièrement rénovée : on pourra l’appréhender du milieu jusqu’à ses bords, du sol au plafond, et on pourra même la considérer comme la continuité du Parvis.

Sur plusieurs étages, elle abritera aussi les activités plus spécialisées, comme les ateliers et les projets participatifs. Ce sera finalement un espace dédié aux personnes qui vont rester plus longtemps sur le site…

Nous prévoyons aussi un nouvel espace de restauration qui viendra compléter notre offre de programmation et qui contribuera à créer un lieu de vie avec une atmosphère conviviale tout au long de la journée. Cet espace sera accessible depuis le Parvis et disposera également d’une terrasse au deuxième niveau pour profiter du beau temps.

D’un point de vue esthétique et architectural, le défi consiste à créer de nouveaux volumes, modernes et ergonomiques, qui s’insèreront de manière harmonieuse dans le patrimoine historique existant et classé. Les premières simulations sont très prometteuses.

Et concrètement, ça change quoi pour le public ? 

Actuellement, nous avons un positionnement très identifié : les Rotondes sont avant tout un lieu où le public vient en connaissance de cause. Les visiteur·euse·s se déplacent chez nous pour voir une exposition, un spectacle, un concert, ou participer à un atelier ou à une conférence. Rien ne les empêche d’aller boire un verre à la Buvette ensuite, mais initialement, ils/​elles viennent pour assister à l’un de nos événements.

Avec les travaux, nous espérons amener un changement de paradigme. Nous souhaitons proposer un espace de vie qui soit ouvert en permanence, où les gens pourront venir sur un coup de tête, pour se promener, boire un verre ou simplement profiter du lieu, tout en sachant qu’ils/elles auront également la possibilité de voir une exposition ou une projection par exemple.

Les moments qui m’ont le plus marqué aux Rotondes ne sont pas en lien avec les plus beaux spectacles que j’ai pu voir ou de très bons concerts, marchés, expositions, etc. auxquels j’ai assisté. C’est quand on arrive à créer des passerelles entre des événements qui se déroulent simultanément sur le site que cela devient vraiment intéressant. Les interactions entre les différents publics amènent chacun·e à découvrir de nouvelles choses, dont ils/​elles ignoraient l’existence. J’espère vivement que nous pourrons créer encore plus de moments de ce type une fois les rénovations terminées.

Quels sont les dispositifs mis en place pour assurer la continuité des événements culturels pendant toute la période des travaux ?

Ce point est très important et est à souligner tout de suite : la programmation continue et le public pourra toujours venir aux Rotondes. Les dispositifs mis en place pour assurer la continuité évolueront de saison en saison, en fonction des phases de travaux en cours. Nous prévoyons de maintenir certains événements aux Rotondes, tandis que d’autres pourront être organisés ailleurs, à l’extérieur du site. Les discussions sont déjà en cours avec différents acteurs pour pouvoir nous délocaliser à certains moments de la programmation.

Par contre, le site restera accessible à toutes les étapes des travaux. Nous avons la chance de disposer de plusieurs entrées pour accéder aux Rotondes, ce qui devrait faciliter l’accueil du public et le maintien des événements culturels. 

Nous serons probablement dans un état d’esprit semblable à celui que nous avons vécu en 2014 et 2015 au Carré Rotondes. Durant cette nouvelle phase de transition, des événements devront être adaptés, tandis que d’autres vont continuer à bien fonctionner. Certains perdureront après les travaux, d’autres seront reformulés ou supprimés parce qu’ils avaient plus de sens pendant la phase de transition. Tout ceci se décidera au cas par cas, selon les possibilités et les contraintes, et surtout, à la suite des retours d’expérience du public. 

Penses-tu que les travaux auront un impact sur l’identité actuelle du lieu ? 

J’espère que chaque nouvelle opportunité pourra avoir un impact sur l’identité des Rotondes ! Une identité est en constante évolution, elle ne reste jamais figée dans le temps. Aux Rotondes, nous sommes face à une situation assez complexe, puisque nous abordons beaucoup de disciplines différentes. Par exemple, le public qui vient pour les concerts, est souvent différent de celui qui vient pour les expositions, et il n’a pas forcément conscience de cette pluridisciplinarité qui nous caractérise.

Cela reste un défi de communiquer sur une programmation aussi étendue. Et ce défi participe à notre identité générale, qui est vaste. La programmation se transforme, le lieu change, alors naturellement, l’identité évolue aussi. Du moment où l’on a conscience de cela, cela ne peut être que positif. 

Jusqu’à présent, y a‑t-il des défis particuliers que tu n’avais pas imaginés et auxquels tu as été confronté ? Si oui, lesquels ?

J’aime dresser des listes, To Do, urgent, important, à ne pas oublier… Mais il me manque celle qui énumère les défis et anecdotes concernant le chantier des Rotondes. 

Pour n’en citer qu’un, je dirais qu’un des challenges majeurs, c’est l’installation du nouveau restaurant et de sa cuisine, qui devront remplir beaucoup de fonctions. La gestion des lieux de restauration dans les espaces culturels présente pas mal de défis, trouver le bon équilibre entre les deux n’est pas toujours évident. Nous avons beaucoup réfléchi à cette question, notamment parce que nous souhaitons avoir un restaurant qui soit capable d’accueillir du public toute la journée. Cela a un impact direct sur l’aménagement de la cuisine, un domaine dans lequel nous ne sommes sûrement pas des spécialistes. Mais ce n’est qu’un simple exemple parmi tant d’autres !

Et en tant que directeur des Rotondes, comment vois-tu l’après travaux ?

Sûrement avec encore beaucoup de discussions, parce qu’il reste pas mal de choses à définir et sur lesquelles il faudra travailler.

Mais de manière générale, je ressens quelque chose que je ne peux pas m’expliquer : cet attrait et cette relation que tout le monde a avec les deux Rotondes. Personnellement, je n’ai jamais particulièrement aimé les trains et je n’ai pas joué avec quand j’étais petit. J’aime les vieilles pierres, mais à ce niveau-là, il y a d’autres lieux qui sont plus intéressants que les Rotondes…

Et pourtant, il y a quelque chose de spécial, c’est indéniable : est-ce parce qu’elles sont rondes ? Je ne vois pas pourquoi ce serait plus intéressant que le carré, c’est pratique d’avoir des coins et bien plus simple d’avoir des angles droits.

Alors c’est peut-être parce qu’elles sont deux, qu’elles sont dans un contexte urbain spécifique, enclavées entre le quartier de Bonnevoie et de la gare.

Les travaux permettront de mettre en valeur tout cela, avec des nouveautés qui auront une incidence architecturale beaucoup plus conséquente que ce que nous avons réalisé jusqu’à présent. 

Pouvoir optimiser ce lieu patrimonial, composé de deux bâtiments classés et d’un site unique, urbain et alternatif, est une grande chance pour nous. Mais le plus important dans tout cela, c’est que cet outil de travail nous donne l’opportunité d’offrir ce qui compte le plus pour nous : une accessibilité à la culture et une offre culturelle et artistique que nous continuerons à proposer durant tout le chantier et d’autant plus après.